Pourquoi je garde la pêche ?
Ce qui me freinait
Je voyais l’acte symbolique et pas concret. L’idée que la monnaie locale était un moyen de recréer du lien entre les gens me paraissait une action certes humainement très intéressante mais pas concrète en terme de transition économique et écologique, dans l’urgence actuelle. Je ne voyais pas non plus en quoi payer en pêche différait de consommer durable/équitable/éthique/local avec mes euros.
Ce que j’ai compris
La différence entre consommer de manière engagée avec mes euros et consommer avec la pêche, c’est que je sors des euros du système. Si j’ai bien compris, payer avec une pêche c’est doubler l’action, investir doublement de manière engagée : en donnant une pêche au commerçant et en ayant sorti un euro du système pour qu’il aille à la NEF.
En promouvant la pêche, je fais confiance aux gens qui l’ont créée pour avoir sélectionné un réseau qui contribue à la transition écologique. En quelque sorte, le travail de chercher à y contribuer a été fait pour moi.
Le lien social : en tenant le comptoir de change au festival de la permaculture, l’idée de la monnaie comme lien entre les gens m’est apparue concrètement à force d’écrire les noms des gens dans les carnets. Je « voyais » les échanges se faire. La monnaie redevient une force d’action, un moyen, un pouvoir, plutôt qu’un vaste système auquel je participe.
Si la pêche continuait à s’étendre, pourquoi ça ne ferait pas comme revenir au franc :
-parce que cela voudrait dire que tous les échanges en France répondent à des normes éthiques, ce qui n’était pas le cas avec le franc
– parce que le fait de partager une monnaie viendrait de la base, pas comme avec le franc, et serait synonyme de partager des valeurs.
En réalité, la pêche s’arrêterait à l’île de France mais alors à quoi bon ?
Comment consommer si je vais ailleurs ?
En échangeant ma pêche à 1 pour 1 contre une autre monnaie locale, à laquelle je fais confiance pour faire respecter les mêmes valeurs. En fait, les échanges sont remis à contrôle humain.
: même quand on paye, si on remonte la chaîne, ce que l’on achète c’est du temps. De ce fait, la pêche fait que l’argent redevient un moyen comme un autre de faire des échanges, de « gagner du temps » et non pas le seul moyen. Avec le système monétaire classique, j’ai l’impression que l’unité de base de tout, c’est l’euro ; avec les monnaies locales, la pêche est un moyen comme un autre de gagner du temps, de consommer, de payer, de rétribuer mais je peux aussi échanger un service contre un autre, un bien contre un autre. Dans ma vie aujourd’hui, ce qui m’importe, c’est de profiter au mieux du temps que j’ai.
En me renseignant sur les monnaies locales, grâce à l’association, à la réunion du bureau, à la conférence de Patrick Viveret et au numéro d’Alternative Economique, il m’apparaît de plus en plus clairement que l’économie n’est pas une science à laquelle je ne connaîtrais rien mais découle des idées, de principes et de convictions qui m’animent quand au monde dans lequel je veux vivre. J’ai l’impression d’ouvrir les yeux sur ce qui m’a toujours été transmis par le soft power capitaliste. Ainsi, j’ai davantage foi en mes idées et mes convictions pour changer le mode de vie et de consommation de l’humanité, je ne me sens plus renvoyée à la catégorie des rêveurs qui n’y connaissent rien. Je vois une porte de sortie.
Ce qui me pose question
Je ne gagne pas (encore ?) de pêche : est-ce que le but de la monnaie locale c’est que mes échanges se fassent en pêche, que donc je propose moi aussi des services / échanges en pêche, que je pourrai ainsi réinvestir, ou justement que j’épuise mes euros au fur et à mesure pour que j’en sorte le plus possible du système ?